D’octobre 2022 à avril 2023, j’ai arpenté le massif du Brézouard avec les artistes du collectif Rodéo d’âme pour en rencontrer les habitants. Il s’agit pour moi d’une montagne familière : j’y ai skié, poussé ma mobylette en panne, j’ai marché dans sa forêt et dormi dans les multiples refuges qu’il abrite. J’ai grandi à Lapoutroie et pendant vingt ans, la silhouette du Brézouard fut la toile de fond, le terrain de jeu de mes aventures d’enfant puis d’adolescent.
J’ai donc profité de cette résidence artistique pour tenter de porter un autre regard sur ces deux vallées qui se rejoignent au col des Bagenelles. J’ai voulu interroger ceux et celles pour qui le Brézouard est à la fois un lieu de vie et de travail, mais aussi une part intime de leur identité. Quelque chose qui les constitue autant qu’ils contribuent eux-mêmes à constituer ce paysage. J’ai voulu questionner ce que ce représente ce territoire dans leur expérience du vivant, dans le rapport à soi et aux autres.
Je remercie chaleureusement toutes les personnes qui ont accepté ces moments d’échange et de pose pour partager leurs lieux aimés. Le mien se trouve quelque part au bord de l’Étang du Devin, sur le massif de la Tête des Faux, d’où le regard peut embrasser le Grand Brézouard.
Baptiste Cogitore
Photographies et textes des légendes : Baptiste Cogitore
Quand j’étais adolescent, le Brézouard ressemblait pour moi au Far West ou au Grand Nord canadien ! Un lieu sauvage, loin de tout, auquel on n’accédait pas facilement, et qui me fascinait. C’est le coq de bruyère qui m’a littéralement « abonné » au Brézouard. Par ici, on disait plutôt « le coq sauvage » (sauvèj djo), ou plus simplement, « le coq ». Mais en réalité, il s’agit du grand tétras. – Francis
Je dirais que le Brézouard m’a un peu transformé, m’a métamorphosé. Bambois m’a fait découvrir que la solitude pouvait avoir quelque chose d’agréable. Je garde en mémoire la vue sur la plaine scintillante de lumières, la nuit. C’était quelque chose d’incroyable, de se sentir si proche et si loin de la ville, là-haut. – Lamine
Le lieu auquel je suis la plus attachée est sans aucun doute la ferme de mes parents où j’ai grandi, sur la montagne d’en face. Je dirais qu’un lien de sang me lie à cet endroit. C’est un lieu qui fait partie de moi. Sur le massif du Brézouard, il y a un autre endroit que j’aime arpenter parmi tous les autres : c’est en remontant le ruisseau des Suscités vers Aubure. J’aime le bruit de ce ruisseau-là. – Prêle
Le lieu que je préfère, c’est là où j’avais mes vaches, sur les hauteurs d’Aubure. L’endroit s’appelle « Le Champ du Diable ». C’était le pré le plus élevé du Brézouard. Il s’étendait quasiment jusqu’à la Roche des Trois-Bans. On dit que c’est le champ du diable, parce que les paysans, qui avaient reçu l’ordre d’y planter des arbres, avaient passé les semences au four avant de les enfouir dans le sol. Ils cherchaient à conserver leurs pâtures alors que le seigneur voulait agrandir sa forêt pour chasser. Comme les graines ne germaient pas, on a pensé que le diable s’en était mêlé ! – Christian
Pendant des années, nous avons accueilli dans notre maison des moines bouddhistes venus partager leur connaissance et leur pratique du Dharma, c’est-à-dire les enseignements du Bouddha. En 2007, nous avons inauguré devant notre maison le Stupa de la compassion. C’est un monument pour la paix. Au Tibet et dans d’autres pays, le passant contourne le Stupa dans le sens des aiguilles d’une montre en récitant le mantra « Om mani padme houm », ou d’autres pensées ou prières pour la paix dans les cœurs et dans le monde. – Björn
Mon lieu préféré, c’est la chaume du Haïcot. En arrivant depuis la route des crêtes, on peut monter jusqu’à l’ancienne ferme auberge, aujourd’hui fermée : on a une vue magnifique sur le Val d’Argent. C’est ce lieu-là que je me représente, intérieurement, pour être bien. – Nadine
L’exposition « Nos lieux aimés » s’inscrit dans la résidence artistique menée par les artistes du collectif Rodéo d’âme sur le massif du Brézouard.
Le Collectif Rodéo d’âme a été choisi suite à un appel à candidatures du Parc naturel régional des Ballons des Vosges pour la nouvelle résidence « Artistes et Territoire » proposée dans le cadre du projet « Des traces au Brézouard » initié par l’Université de Strasbourg.
En partenariat avec le Parc naturel régional des Ballons des Vosges, le service culturel de l’Université, Le Jardin des sciences, les communes d’Aubure, Lapoutroie, Le Bonhomme, Sainte-Marie-aux-Mines, la Communauté de communes du Val d’ Argent, l’Observatoire Hydro-Géochimique de l’Environnement, la DRAC Grand Est, la Communauté de communes du Val d’Argent, les PEP La Renardière, la Collectivité européenne d’Alsace.
Avec le soutien technique et financier de la Collectivité européenne d’Alsace dans le cadre du dispositif de Rebond culturel, la Région Grand Est, la Direction des Affaires Culturelles Grand Est, des communes d’Aubure, de Lapoutroie, du Bonhomme, de Sainte-Marie-aux-Mines et de la Communauté de communes du Val d’Argent.